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60ème anniversaire du 17 octobre 1961

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Dimanche 17 octobre, une manifestation a eu lieu à Paris. Elle commémorait le 60ème anniversaire du massacre de plusieurs dizaines d'Algériens par la police, le 17 octobre 1961.

Dimanche 17 octobre, une manifestation a eu lieu à Paris. Elle commémorait le 60ème anniversaire du massacre de plusieurs dizaines d’Algériens par la police, le 17 octobre 1961.

Cette commémoration fait partie des 3 journées emblématiques auxquelles le chef d’Etat devait assister. La première était le 25 septembre, journée nationale en hommage aux Harkis, la dernière se déroulera le 19 mars 2022. Elle correspond aux 60 ans des accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie.

A l’appel de la LDH, les manifestants ont défilé du Grand Rex au pont Saint-Michel. Le slogan choisi était « Vérité Justice ». Le  parcours est parti à 15h du lieu où le photographe de « l’Humanité », Georges Azenstarck, a photographié « des tas de cadavres » ce 17 octobre 1961. Il a rejoint le pont d’où la police jeta des Algériens  à la Seine.

Pourquoi ce massacre?

En pleine guerre d’Algérie, 5 mois avant la fin, des Algériens ont manifesté  pacifiquement à Paris le 17 octobre 1961. Ils ont marché contre le couvre-feu décrété par le préfet de police Maurice Papon depuis le 3 octobre. Organisée à l’appel du FLN, cette mobilisation fut violemment réprimée. Elle regroupait près de 30 000  » Français musulmans d’Algérie ». Ce couvre-feu était totalement illégal; la circulaire administrative « conseillait de s’abstenir de circuler la nuit ». Sur le terrain, harcèlements et tabassages suite à l’augmentation des assassinats de policiers. depuis le 28 août.

Malgré la trêve décidée fin mai, la Fédération de France du FLN , gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA),  reprend les attaques, parallèlement aux négociations d’Évian. La police a des idées de vengeance. Les violences ont duré plusieurs semaines mais la journée du 17 octobre est retenue comme symbole d’une répression d’Etat.

Une quête de vérité sur les faits

Depuis 60 ans, cet événement est au centre d’une bataille politique et mémorielle. Il a fallu attendre les années 1980 pour que des historiens commencent à effectuer des recherches sur ce qui s’était vraiment produit (la manifestation et sa répression). Le procès de Maurice Papon  et de ses actes durant l’occupation, a permis en 1997 de commencer un travail de mémoire.

En 1998, un rapport demandé par Jean-Pierre Chevènement porte le décompte des victimes à 32. L’année suivante, une autre enquête réalisée sur les archives judiciaire, évalue 48 morts.

En 2012,  François Hollande a reconnu « une sanglante répression », mais n’a pas désigné  l’Etat de responsable.

En 2018, Anne Hidalgo a remplacé la plaque de bronze, apposée en 2001 à l’angle du pont Saint-Michel et du quai du Marché-Neuf (IV e ) par une stèle artistique .

Aujourd’hui encore, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales, dont celle d’Algérie. Cette année, Emmanuel Macron a dénoncé  des « crimes inexcusables pour la République » commis « sous l’autorité » du préfet de l’époque, Maurice Papon.

La 60ème commémoration

Cette année, Emmanuel Macron a commémoré le « Massacre du 17 0ctobre », Pont de Bezons . La cérémonie organisée le 16 octobre, rendait hommage aux victimes. Familles, policiers, historiens et  romanciers étaient présents.. Après la reconnaissance du « massacre » en 2012 par François Hollande, le Président Macron est le premier président de la Vème République à participer à une cérémonie d’hommages.

Le chef de l’État a déposé une gerbe sur les berges de la Seine sur le Pont de Bezons,  il a également observé une minute de silence. Ce lieu représente  le chemin emprunté par les manifestants algériens qui arrivaient du bidonville voisin de Nanterre à l’appel de la branche du FLN installée en France.

Le président n’a pas pris la parole mais un communiqué de l’Elysée a été diffusé à l’issue de la cérémonie

« Cette tragédie fut longtemps tue, déniée ou occultée »,… »Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République », a reconnu le chef d’Etat.

« La France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies dans la tragédie du 17 octobre 1961.  Elle le doit d’abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme. Elle le doit en particulier à sa jeunesse, pour qu’elle ne soit pas enfermée dans les conflits de mémoires et construise, dans le respect et la reconnaissance de chacun, son avenir », a-t-il ajouté.

Qu’en pensent les anciens militants du FLN?

Certains ont regretté des propos insuffisants de la part du chef de l’Etat, malgré une avancée. Ils espéraient la reconnaissance d’un « crime d’Etat » et l’ouverture des archives fluviales pour découvrir la vérité. Parmi les militants se trouvaient Mimouna Hadjam, porte-parole de l’association Africa93;  Dominique Sopo, président de SOS Racisme; Mehdi Lallaoui, président de l’association « Au nom de la mémoire ». Ce dernier a déploré « une occasion ratée, très très en-deçà de ce que l’on attendait. « Les assassins ne sont pas nommés. Il n’y a que Maurice Papon qui l’est. C’est insupportable de continuer dans ce déni, que l’on ne puisse pas nommer la police parisienne, que l’on ne puisse pas citer Michel Debré, Premier ministre à l’époque, ou le général de Gaulle », a-t-il ajouté.

D’autres commémorations

Plusieurs autres commémorations du 17 octobre 1961 ont eu lieu en banlieue parisienne, en Seine- St- Denis (93) dont Montreuil et Bagnolet et dans les Hauts de Seine (92) . A Noisy-le-Sec, on peut voir une affiche de l’artiste Ernest Pignon-Ernest sur la façade d’un immeuble. Elle représente les mains d’un noyé et porte les mots « un crime d’État, Paris le 17 octobre 1961 ».

Les villes de Nanterre, Colombes, Gennevilliers, Bagneux, Malakoff et Châtillon ont organisé une marche souvenir entre l’esplanade de La Défense et le pont de Neuilly.

A Paris, près de 1 800 personnes ont marché entre le Rex et le Pont St Michel, demandant la reconnaissance d ‘un « crime d’Etat ». La diaspora algérienne demandait la vérité sur un « massacre colonial ». elle scandait: »17 octobre, crime d’Etat, 17 octobre, on n’oublie pas ! », brandissant des drapeaux algériens. Les revendications portent aussi sur le régime actuel avec des pancartes « Système dégage », « Liberté pour les prisonniers politiques ». Dans la foule, on pouvait croiser le candidat écologiste à l’Elysée Yannick Jadot; le numéro 1 d’EELV, Julien Bayou ou  le député (LFI) de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel.

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