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Manifestations et repression en Colombie suite à la réforme foncière

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Le gouvernement accuse les manifestants d'entretenir des liens avec des dissidents des Farc, l'Armée de libération nationale (ELN), et des gangs de narco-trafiquants.

Iván Duque Márquez

Une 3ème vague de Covid-19 frappe la Colombie avec plus de 2,8 millions de cas de Covid-19. Il s’agit du 3ème pays d’Amérique latine le plus affecté après le Brésil et l’Argentine . Il se place aussi à la 3ème place pour le nombre de décès (72 200). Le Brésil est le premier, suivi du Mexique. Un nouveau record de décès quotidiens, avec 490 morts, est atteint le 28 avril.

Parallèlement, une série d’émeutes a éclaté dans le pays depuis le 28 avril. Le projet de loi sur la réforme fiscale est au centre de la révolte. Les manifestants s’opposent à la police dans la capitale mais aussi à Cali, Medelin, Barranquilla et Neivas et d’autres villes.

Les manifestants ont été les plus nombreux à Bogota et Cali, pour s’opposer au gouvernement de droite  du président Ivan Duque. La majorité d’entre eux appartient à la classe moyenne, la plus affectée.

Premières victimes

Le 1er mai, des milliers de Colombiens ont manifesté  pour le 4ème jour consécutif. Ils réclamaient le retrait du projet de loi de réforme fiscale.

Quelques jours plus tard, le 5 mai, les sources officielles annonçaient au moins 24 morts (37 selon les ONG locales) et près de 850 blessés. On comptait aussi près de 90 personnes portées disparues.

Après le retrait du projet de loi par le gouvernement,  le ministre des Finances, Alberto Carrasquilla, démissionne le 3 mai. La contestation ne faiblit pas malgré les promesses d’un nouveau texte. Les points contestés reposaient sur la hausse de la TVA et l’élargissement de la base de l’impôt sur le revenu.

L’insécurité

Le gouvernement accuse les manifestants d’entretenir des liens avec des dissidents des Farc, l’Armée de libération nationale (ELN), et des gangs de narco-trafiquants.

« C’est une organisation criminelle, qui se cache derrière des aspirations sociales légitimes pour déstabiliser la société, générer la terreur », a déclaré le président colombien.

De son côté, l’opposition manifeste contre l’insécurité et les assassinats des leaders sociaux et ex-combattants. Elle revendique les violations de l’accord de paix entre le gouvernement et les FARC, depuis sa signature en 2016, selon la juridiction spéciale de paix (JEP). Depuis cette date, on compte près d’un millier de dirigeants sociaux  et 269 ex-guérilleros  assassinés. Selon les magistrats de la JEP,   menaces, homicides, disparitions, enlèvements et autres attaques planent sur les têtes de nombreuses personnes importantes.

Les raisons des troubles dans le pays

Depuis son élection en 2018, Ivan Duque est accusé de dérives autoritaires par l’opposition et des associations de défense des droits humains. La situation économique du pays et les réformes impopulaires sont au centre des manifestations. 

En 2020, le PIB a chuté de 6,8 %, le taux de chômage a monté à 16,8% et la pauvreté a frappe 42,5 % de la population.

La réforme fiscale

La réforme fiscale visant à collecter 6,8 milliards de dollars est la principale raison des manifestations. Elle prévoit la baisse du plancher d’imposition sur le revenu et une taxe de 1 % sur les actifs supérieurs à 1,3 million de dollars. Le gouvernement vise aussi une hausse de la TVA sur des services de base tels l’électricité, le gaz et l’assainissement. Augmentation des prix de l’essence, installation de nouveaux péages, gel des salaires dans le secteur public jusqu’en 2026 et coupes dans les programmes sociaux font partie de ce projet.  

Selon plusieurs syndicats et associations indigènes, cette réforme multiplie par 10 la pression fiscale sur les plus modestes et les classes moyennes. Contrairement, les privilèges des plus fortunés ne sont pas touchés. 

Les autres réformes

Les 2 autres réformes bientôt adoptées visent à une refonte du marché du travail pour en accroitre la flexibilité et l’autre le système de santé, incluant la régionalisation du système et une libéralisation accrue du secteur.

« Les hommes du Président »

Bien qu’impopulaire, le président Ivan Duque a placé des proches aux postes clés, par décret ou nomination. On les retrouve  au contrôle de l’administration: Fonction publique (Procuraduriax), Contrôle fiscal (Contraloria) et Protection des droits (Défenseur du Peuple).

Le Fiscal (chef du Parquet) est un ami d’enfance d’Iván Duque. Álvaro Uribe, mis en cause dans des affaires de corruption, est protégé par toutes les institutions du gouvernement qui tentent de lui éviter un procès.

Réactions nationale et internationale

La FIDH ( Fédération internationale des droits humains) dénonce de graves violations de la part de la police.  Elle demande à l’UE  à suspendre immédiatement tout type de livraison d’armement et d’aide militaire au gouvernement colombien.

A l’opposé, le président a pointé les faits de vandalisme violent et de terrorisme urbain. Il publie un message sur les réseaux sociaux, demandant aux forces de l’ordre d’intervenir pour « défendre les personnes et les biens ».

A Cali, des centaines de militaires et policiers ont été déployés, faisant monter la tension. Un manifestant de 22 ans est tué d’une balle dans la tête.

Dès le début, l’ONU a réagi à l’usage excessif de la force à Cali. Les réseaux sociaux ont montré les images de la police, tirant sur des manifestants.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est déclaré « profondément alarmé par les événements dans la ville de Cali.

Les Etats-Unis qui possèdent 7 bases militaires en Colombie, réaffirment leur soutien au président Ivan Duque. Ils appellent à la « plus grande retenue de la part de la force publique afin d’éviter d’autres pertes de vies ».

Amnesty International a réclamé que soit mis « fin à la répression des manifestations » et à « la militarisation des villes ».

Qu’en est-il aujourd’hui?

Le Comité National avait appelé à une journée de grève nationale le 5 mai. La grève générale est un moyen redoutable pour faire plier la classe politique. Ainsi,  transports routiers et publics ont été bloqués. C’est pourquoi le président a exigé vendredi la levée des barrages (733 depuis le début du mouvement  le 28 avril). Cela affectait l’approvisionnement en carburants, médicaments et aliments dans plusieurs régions.

Le Bureau du Médiateur colombien a activé 60 couloirs humanitaires dans 17 des 32 départements. Cela a permis le passage de la nourriture et des médicaments. De ce fait, médecins et blessés lors des manifestations, ont pu être déplacés.

Pour lever les barrages dans le sud-ouest du pays, les indiens exigent la présence du chef de l’Etat Ivan Duque mais ce dernier refuse de négocier sous la pression d’un mouvement qu’il considère illégal.

Le 6 mai 2021, à Bogota, des dizaines de personnes ont rendu hommage aux victimes tuées lors des récentes manifestations. Les violents affrontements avec la police, depuis plusieurs jours, ont fait au moins 27 morts et près de 1 506  blessés. Parmi eux, on compte 680 civils et 826 agents des forces de l’ordre

Le 7 mai, le président était prêt à rencontrer le comité national de grève, initiateur du mouvement, pour trouver une solution et résoudre la situation.

En France, un rassemblement s’est tenu le 8 mai, place de la République, à Paris. Il soutenait le   mouvement en Colombie et dénonçait la répression.

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