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Cyril Benzaquen : « La boxe a fait de moi un homme et un compétiteur »

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Cyril Benzaquen : « La boxe a fait de moi un homme et un compétiteur »

À trente ans, Cyril Benzaquen a de quoi faire parler de lui. Quintuple champion du monde de Kick Boxing et de Boxe Thaï, il bouscule les codes de son Art par sa technique. Gants aux points comme hors du ring, le compétiteur de haut niveau n’est pas qu’un athlète et qu’un physique. Sa tête est également bien pleine et sa garde, au figuré, n’est jamais base. Il le démontre notamment en étant producteur de ses propres événements. Échanges en deux rounds avec un homme déterminé, aux objectifs de développement bien définis, qui n’est pas près de jeter l’éponge et dont le nom est déjà celui d’une légende.

Journal Impact European : Qu’est-ce qui vous a conduit à mettre les gants ?

Cyril Benzaquen : C’est l’envie de faire un sport de combat et la curiosité.

JIE : Vous avez commencé à quel âge ?

CB : À quatorze ans dans l’objectif d’un développement physique, comme un ado qui veut être bien dans sa peau. C’est en allant dans un club à Châtillon, que j’ai eu envie de découvrir cette discipline.

JIE : Alors que déjà à cet âge-là, vous rêviez d’être humoriste ?

CB : À cette période, j’étais bien enveloppé et je n’étais pas bon élève. Ma porte d’entrée pour être écouté des gens, c’était de faire rire.

JIE : Face à un mal être, vous avez fait du rire et de l’autodérision votre exutoire…

CB : J’étais pris au sérieux. Ça me donnait de l’importance. De fait, je voulais en faire mon métier. Mais bizarrement, en commençant à affiner ma silhouette, je faisais moins l’idiot. Je m’affirmais, donc je devenais moins drôle.

JIE : Mais entre pratiquer la boxe et vouloir en faire son métier, il y a un pont. Quel a été le déclencheur pour vous ?

CB : Aurélien Duarte, un ancien champion de Muay-thaï et de kick boxing, coaché à l’époque par Alain Zankifo, mon entraîneur actuel. Je garde en mémoire l’image où il est tors nu sur le ring, hyper charismatique. Ce qu’il dégage avec les autres boxeurs pros, a été le déclic de celui que je voulais devenir. Je n’en avais pas encore toutes les clés, mais je voulais faire de la boxe mon métier et aller loin dans ce sport.

JIE : À ce moment-là, c’est vous qui vous êtes fixé vos objectifs ?

CB : Je me suis donné un rythme plus important, car dans ma tête, la boxe n’était plus un loisir. J’allais à la salle deux fois par semaine, je faisais du sport à la maison, je m’entrainais sur un sac. Je m’investissais beaucoup alors que je n’avais pas atteint l’âge requis pour faire des compétitions.

JIE : Cet entre deux chaises a semblé difficile à vivre ?

CB : Ce n’était pas évident. Je voulais être boxeur, mais en fait, je ne l’assumais pas. Encore aujourd’hui d’ailleurs. Je dis que je suis boxeur pro, mais qu’à côté je suis aussi quelqu’un d’autre.

JIE :  Qu’est-ce qui vous plait dans la boxe ?

CB : C’est un sport qui n’est pas figé, dans lequel on est constamment en train de progresser, d’évoluer, de comprendre de nouvelles choses. Boxer est un challenge perpétuel. Les compteurs y sont à chaque fois remis à zéro. C’est ce qui en fait un Art. C’est pourquoi je veux en devenir un orfèvre pour être capable de tout faire et d’être précis.

JIE :  Un bon boxeur selon vous, c’est quoi ?

CB : Un bon boxeur c’est avant tout un tacticien, puis un technicien. Après seulement, vient la condition physique.

JIE : Êtes-vous en train de dire qu’un bon boxeur n’a pas besoin d’avoir une condition physique extraordinaire ?

CB : C’est la technique qui est avant tout au service de la tactique alors que la tactique et le physique le sont à celui de la technique.

 JIE : Et la force de frappe dans tout ça ?

CB : Elle dépend de la technique, tout comme son efficacité dépend de la tactique. Seule, la force de frappe ne veut pas dire grand-chose. Si on est fort, mais pas technique, la force ne sera pas optimisée et si on est fort et pas tactique, elle sera utilisée au mauvais moment.

JIE : Un physique fort est-il plus à redouter sur le ring ?

CB : Il est dangereux, mais prévisible, car il va forcément vouloir mettre chaos son adversaire ; oubliant le chemin qu’il y a entre le chaos et l’utilisation de sa force. Je pense que la force vient en grande partie de la confiance.

JIE : La boxe, c’est donc un état d’esprit ?

CB : Exactement.

JIE : Est-ce la boxe qui a fait l’homme que vous êtes aujourd’hui ?

CB : Beaucoup de sports font que des gens deviennent des athlètes. La boxe a fait de moi un homme et un compétiteur sur plein de leviers différents.

JIE : Et vous l’avez prouvé en menant frontalement carrière sportive et études (NDLR : Cyril a un BAC +5 et un master marketing et entreprenariat a Dauphine) Comment avez-vous réussit à vous organiser ?

CB : Grâce à la boxe, j’ai réussi à mieux optimiser mon travail, à me donner une rigueur et une ligne de conduite ; celle d’être à 100% d’écoute quand j’étais en classe pour assimiler tout de suite les cours dispensés et de n’avoir que peu à travailler chez moi, du fait du peu de temps qu’il me restait après les entraînements.

JIE : Exit la détente et l’amusement aussi ?

CB : Ma passion, c’était celle de boxer. Je ne voulais pas être déconcentré sur ce que je voulais faire et être. J’ai donc retiré tout ce qui pouvait me parasiter au quotidien. Les sorties, la fête et les copains en faisaient partie. J’avais la chance de vivre chez mes parents et d’être accompagné par mes proches. Je n’avais à m’inquiéter de rien ; ma seule préoccupation étant de m’entraîner, d’être bon et d’avoir mes diplômes.

JIE : Aujourd’hui encore ?

CB : Je suis plus souple. J’ai compris que ça ne servait à rien d’être trop rigide. Le repos dont on a le plus besoin, c’est celui du mental. Quand on aime vraiment ce que l’on fait, dans la tête, tout se relâche. En tant que passionné, ce que je construits sur le ring et en dehors est devenu une obsession. Tout le reste est de l’ordre du secondaire. Mais j’ai conscience que prendre du recul et du repos c’est une autre manière de travailler.

JIE : Diplômes et boxe, ça fait bon ménage ?

CB : Je me suis rendu compte que mes diplômes, d’un point de vue image notamment, allaient me servir pour ma carrière de boxeur.

JIE : Vous casser là le mythe de l’image du sportif non intelligent…

CB : Je pense qu’un sportif non intelligent ça n’existe pas. Il a déjà une intelligence dans son sport.

JIE : À cette double casquette de sportif de haut niveau et d’entrepreneur, vous ajoutez celle de mannequin pour Fendi Gaultier, celle d’ambassadeur pour la marque Everlast (vêtements de boxe) et celle de créateur de vos propres événements. On ne vous arrête plus !

CB : J’essaie de cultiver et semer des graines qui pourraient relayer ma carrière de boxeur, mais mon bonheur reste sur le ring et dans mes combats.

JIE : Pourquoi créez-vous vos propres événements ?

CB : Les combats qui me sont proposés ne me correspondant pas, j’ai décidé de créer des événements sur mesure, qui me feraient vibrer et qui généraient plus de choses que lors de simples combats. D’en maîtriser toute la chaîne est, qui plus est, très existant. Je me sens maître de tout ce que je produis.

JIE : D’où ce besoin de tout gérer ?

CB : J’essaie de faire le maximum de choses moi-même pour me dire que j’ai tout construit, tout fait. Si ce n’est pas bien, je serai le seul à me le reprocher. Et si c’est bien, ce sera tant mieux puisque ce sera ce que j’avais prévu. Sur le long terme, ça me permet d’avancer plus vite, de créer des événements plus ambitieux et de développer mon sport comme je l’entends, avec ma propre équipe et ma propre organisation, à Paris, à New York, à Miami et aux Émirats.

JIE : Vous travailler en famille, notamment avec votre frère Nick (Ndlr : âgé de 4 ans de moins que lui) dont vous êtes très proche …

CB : Il m’a toujours épaulé. J’ai envie d’en faire autant avec lui. Il m’accompagne par son soutien, l’expertise qu’il apporte et moi, je lui permets une stabilité. Nous avons la chance de bien nos entendre. Je suis très content de travailler avec lui, d’avancer ensemble pour développer des choses.

JIE : Une journée type pour vous, c’est quoi ?

CB : Elle est très différente d’une période à une autre. En ce moment, j’ai une routine d’entraînement, deux à trois fois par jour. À côté de ça, je n’ai pas de projets pro, d’événements que je suis en train de construire. Mes nuits de sommeil sont donc un peu plus importantes. Du coup, je suis plus fatigué, car non drivé par cette adrénaline qui m’anime et dont j’ai besoin.

JIE : Quelle est l’image de la boxe aujourd’hui ?

CB : Elle a beaucoup évolué, mais connait un paradoxe. D’un côté, il y a un développement pratique de la boxe par des élites, des cols blancs avec des salles émergeantes assez haut de gamme. Et de l’autre, il y a une méconnaissance totale du haut niveau. Les gens pratiquent, mais ne connaissent pas vraiment la boxe. Du coup, elle est vu comme un sport sexy qui met en condition, mais qui génère des aprioris, du fait de l’image cliché qu’ont les boxeurs.

JIE : C’est une bonne chose que les femmes s’y intéressent ?

CB : Bien sûr. Les femmes contribuent à l’expansion de ce sport. Mais la façon dont il est pratiqué s’apparente davantage à de la forme. On est resté que sur le côté superficiel de mettre des coups et que sur le côté tonique et cardio. La partie tactique, réfléchie et stratégique d’un combat n’est que rarement, voire jamais mise en avant et appliquée dans un cours. C’est dommage.

JIE : Qu’est-ce qui manque à cette discipline pour être reconnue et mieux considérée ?

CB : Une mise en lumière au travers des valeurs qu’elle véhicule, autres que celle du combat. Par exemple, celle de l’engagement. Quand on est sur un ring, on est face à un adversaire, à qui on ne peut tourner le dos.  C’est comme dans la vie, on est face à des responsabilités. C’est important d’aller jusqu’au bout de ses engagements.

JIE : Quelle est votre vision du combat ?

CB : Celle de l’échange, comme dans une discussion ou dans un duo de danse.

JIE : Comment vous préparez-vous mentalement à un combat ?

CB : C’est beaucoup de visualisation sur le lieu et le combat que j’ai envie de faire, pour en ressentir les émotions dans mon corps et me caler dessus. J’imagine mon adversaire, je prends en compte son attitude, ses points forts…

JIE : Quels sont les moments importants avant un combat ?

CB : Le jour où on nous donne le nom de notre adversaire. Celui de la pesée. Et le jour du combat où on annonce que ça va être le moment d’entrer sur le ring.

JIE : Que vous dites-vous avant d’y monter ?

CB : Je pense à tout ce que j’ai travaillé avec mon entraîneur pour être au maximum de ma confiance et à mon adversaire.

JIE : Et après un combat ?

CB : Je cherche le regard de mon coach pour savoir s’il est content. Même si je suis seul sur le ring et que la lumière est sur moi, j’ai accompli ce travail avec lui. Je veux partager ces premiers instants avec lui.

JIE : Quel a été pour vous votre meilleur combat ?

CB : Le dernier. Avec tout le travail mis en place avec Alain Zankifo (Ndlr : double champion du Monde de Boxe française) depuis deux ans, j’ai davantage été maître de mes mouvements, du ring et de mon adversaire. Notre complicité s’est exprimée. J’en ai été très content.

JIE : Parlez-nous de lui. Que vous -a-t-il appris ?

CB : Alain Zankifo m’a appris à décider. Il n’a d’ailleurs pas fini de m’apprendre et de m’accompagner sur ce chemin. Il m‘a donné la tactique et le cadrage, c’est-à-dire, la position dans l’espace et dans le ring. Grâce à ça, j’ai gagné en confiance et je décide où je veux aller dans mon combat.

JIE : Qu’est qui vous plaît dans son approche ?

CB : Sa manière d’appréhender la boxe et le fait qu’il a toujours instauré un rapport d’égalité entre nous.

JIE : Qui est votre mentor ?

CB : Aurélien Duarte. Plus que la boxe, c’est lui qui m’a donné envie de boxer et de devenir champion. Il m’a inspiré par son état d’esprit, son élocution et par l’aura à contre-courant qu’il dégageait à cette époque-là. Ce qu’il a fait, j’ai l’impression de l’avoir fait en plus poussé.

JIE : Quels conseils donneriez-vous à un jeune ?

CB : De ne pas entendre les conseils (sourire), d’être curieux, de se forcer à aller découvrir les choses, de s’écouter pour vivre sa passion et de se faire confiance.

JIE : Avez-vous conscience d’être un modèle de réussite ?

CB : Très certainement par rapport au fait que j’ai obtenu ce que j’ai voulu et que j’inspire des jeunes. Mais je ne le suis pas pour moi, du fait de ne pas être accompli, puisque je suis toujours à la recherche de nouveaux challenges.

JIE : Vous avez trente ans. Vous vous donnez encore combien d’années avant de raccrocher les gants ?

CB : Je suis en pleine âge d’or ! C’est là où l’on explose, du moins, si comme évoqué, on pense tactique, technique, physique. J’aimerai exploiter toutes mes limites corporelles jusqu’à quarante ans.

JIE : Quand cette heure sonnera, l’appréhendez-vous?

CB : Je n’y pense pas du fait d’être dans l’instant présent. Rendez-vous donc dans dix ans pour voir comment cela se passe…

JIE : Et après vos quarante ans, qu’envisagez-vous ?

CB : De mettre à profit tout ce que j’ai appris et trouver des domaines pour m’enrichir culturellement, comme apprendre un instrument, étudier des sciences…

JIE : Quel regard vos proches ont-ils sur votre parcours de boxeur ?

CB : Mes parents ont relativement bien accepté que je fasse de la boxe. Ils me savent heureux, alors que certains membres de ma famille, même s’ils sont contents de mes titres, auraient davantage souhaiter que je m’installe dans une stabilité professionnelle.

JIE : Quels sont projets ?

CB : À court terme, organiser un événement VIP de combats devant 300 personnes. De préparer ensuite mon prochain championnat du monde à Roland Garros et de continuer la production d’événements. En dehors du ring, c’est de mettre en place des combats de MMA avec mon frère et de monter une salle de boxe moderne à mon nom.

JIE : Pas de pied d’appel côté cinéma ?

CB : On me contacte régulièrement pour faire des petits rôles, mais toujours de voyou. J’ai conscience de devoir me former. J’ai dix ans pour m’essayer et si ça fonctionne, il n’est pas impossible une fois qu’elle sera terminée, que je relaie ma carrière sportive à celle de comédien.

JIE : Que peut-on vous souhaiter ?

CB : D’être heureux et d’arriver à mettre en forme ce que j’ai dans la tête.

Visuels : (C) DR/Cyril Benzaquen et Everlast/Rlugassy

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